La Mer

Je viens souvent près de l'océan. Le soir , le matin , la journée , la nuit ... Peu importe... Ce n'est pas l'heure
qui importe... C'est pourquoi je m'y rends ... La mer , je m'y rends à chaque fois que je fuis , je marche , peu
importe le temps qu'il fait , je cours contre le vent qui veut m'emporter. Le vent maritime semblable à un tapis
roulant qui voudrait me renvoyer à la case départ. En l’occurrence , me ramener à ce que je fuis , mes parents , les gens , ma vie ... Moi même ...
J'arrive sur la plage , il n'y a jamais personne sur cette plage , elle est interdite au public parce qu'elle
est le sanctuaire de la faune bretonne . Mouettes , phoques , poissons y vivent tranquillement sans être dérangés
par le plus grand des prédateurs , l'être humain . Moi , je n'ai pas cette chance ... Je suis coincée dans cette
vie , pleine de gens que je ne veux plus voir ... Que je ne veux plus entendre ...
J'en ai assez ... Je m'effondre dans le sable mouillé , je m'enfonce un peu , cela ne m'inquiète plus ... A un mètre
de moi à peine , l'eau se retire comme pour me laisser respirer , me laisser du répit... Mes larmes coulent encore
une fois et regagnent l'eau glacée. Je laisse alors mes yeux mouillés se perdre au loin , dans l'horizon infini
qui avale tout . Les bateaux qui s'y aventurent sont capturés par le brouillard et ne reviennent jamais .
Je n'ai jamais vu en quinze ans , un bateau revenir . Je les vois toujours partir comme pour me narguer ... Eux ils
s'en vont , moi , je reste . Je ne m'en irai jamais , moi . Je resterai coincée ici à admirer Poséidon qui se moque
de moi ! Le vent se lève , des vagues commencent à apparaître , j'ai l'impression qu'elles veulent m'attraper mais
elles sont bloquées par la force inconnue qui maintient la marée basse. L'écume glacée semble bouillir comme si le sable sous elle était brûlant. La mer est violente , elle gifle les roches sombres comme mes parents giflent mes
joues pourpres. Le tonnerre gronde comme si il déclarait la guerre à l'Océan. Le vent contre l'eau , le ciel contre
la mer . Les éléments se déchaînent , se battent , avec violence , se déchirent et déchirent le monde autour d'eux ,
comme les adultes qui se haïssent . Plus mon esprit s'embrouille , plus les bourrasques sont violentes , plus la mer est agressive. La marée monte , les vagues se jettent à mes pieds , l'eau s'infiltre dans mes chaussures trouées , le vent hurle , le tonnerre claque , les rochers disparaissent sous les flots de l'océan sous les larmes qui me mouillent les joues , je ne sais plus , je n'en peux plus , je veux que la marée m'emporte , je veux partir ,
m'enfuir , me noyer , disparaître !! Après un hurlement silencieux je me calme et le vent fait de même.
L'eau m'arrive au ventre , le clapotis pince les entailles fraîches sur mes bras. Le sang est lavé par l'écume.
Et il se noie , s'en va , comme les larmes qui disparaissent avec mes sanglots. Je me relève , l'eau m'arrive
aux genoux , peut être à t'elle voulu m'emporter avec elle ... Je l'admire une dernière fois , je sens les
vaguelettes me chatouiller les jambes et je rebrousse chemin .
Personne ne peut regarder la mer indifféremment. On ne peut que se perdre dans cette étendue infinie. On ne peut que se sentir insignifiant face à l'immensité que l'Océan représente .
Le silence s'installe et seule cette force de la nature est autorisée à nous murmurer nos pensées .

Venez Vivre Autre Part